Chroniques anachroniques – Le routard de l’Antiquité 3 : Alexandrie

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Et si nous passions l’année à parcourir, non plus les signes célestes du zodiaque, mais les contrées explorées et habitées par la colonisation grecque puis étendues par les conquêtes de Rome ? Avec nos textes comme viatiques et nos auteurs comme guides, nous déambulerons librement entre passé et présent dans des espaces superposés.

Après Populonia, embarquons vers les rivages sud de la Méditerranée, en direction de la tumultueuse Alexandrie. Fondée par Alexandre le Grand en 331 av. notre ère, qui en a choisi le site et la forme, sous l’œil de son architecte Dinocrate (Vitruve, De Architectura, II), elle ressemblait à une chlamyde macédonienne selon Strabon. Située sur la branche canopique du Nil, c’était une sorte de Venise, en équilibre sur l’eau, selon le Pseudo-César.

Alexandria est fere tota suffossa specusque habet a Nilo pertinentes quibus aqua in priuatas domos inducitur, quae paulatim spatio temporis liquescit ac subsidit. Hac uti domini aedificiorum atque eorum familiae consuerunt : nam quae flumine Nilo fertur, adeo est limosa ac turbida ut multos uariosque morbos efficiat ; sed ea plebes ac multitudo contenta est necessario, quod fons urbe tota nullus est. Hoc tamen flumen in ea parte erat urbis quae ab Alexandrinis tenebatur.

Le sous-sol d’Alexandrie est Presque entièrement creusé et possède des canaux qui vont jusqu’au Nil, et amènent dans les demeures particulières une eau qui, peu à peu, avec le temps, se clarifie et dépose. C’est de cette eau que se servent habituellement les propriétaires des maisons et leur domesticité ; en effet, celle que charrie le cours du Nil est tellement boueuse et trouble qu’elle provoque beaucoup de maladies variées. Mais le peuple et la multitude sont bien obligés de s’en contenter, car il n’y a pas une fontaine dans la ville entière. Cependant ce fleuve se trouvait dans la partie de la ville occupée par les Alexandrins.

César, Guerre d’Alexandrie, V,
texte établi et traduit par J. Andrieu,
Paris, Les Belles Lettres, 1954

Forte de 500 000 habitants, Alexandrie fut la plus grande ville du monde hellénistique et la seconde de l’Empire après Rome (1 million d’habitants). Éminemment cosmopolite, la cité est un haut lieu d’immigration entre les cultures égyptienne, grecque, romaine et hébraïque. Elle s’étendait en damier sur 5km de long et 1,5 km de large, avec son grand axe est-ouest, la voie canopique, large de 30m.

Elle était réputée pour son lac intérieur, le lac Maréotis, son quartier royal à l’est, la tombe d’Alexandre (qu’on aurait retrouvée…), son heptastade, sa ville des morts, une des merveilles du monde, le fameux phare redécouvert dans les années 90 par Jean-Yves Empereur, la célébrissime bibliothèque et le Museion, pour ne pas parler de ses temples, son théâtre, son agora, de ses arsenaux…la ville résonne des figures des Ptolémée et de Cléopâtre ! C’est aussi le lieu où naquit la Septante, véritable creuset linguistique, littéraire, scientifique et artistique (le mouvement de l’alexandrinisme). De nombreux tremblements de terre ont affecté Alexandrie : le cataclysme du 21 juillet 365 accompagné d’un tsunami qui a enfoncé d’environ 6m la plaque tectonique supportant la ville et le séisme de 1480 qui a eu définitivement raison du phare. Si l’Alexandrie antique existe hors les murs (il y a en effet des morceaux d’Alexandrie de par le monde, notamment deux obélisques, à Londres et à New-York), elle est principalement devenue sous-marine, bien gardée par ces « sirènes du port qui chantent encore la même mélodie ».

Christelle Laizé et Philippe Guisard

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